Actions sur le document

L’avis de fin d’information ou le début du casse-tête

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - François Klein, Etienne de Castelbajac, 17/06/2019

Les nouvelles dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale, issues de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont entrées en vigueur le 1er juin 2019 après avoir été déclarées conformes à la Constitution (décision n° 2018-778 DC du 21 mars 2019).
L’article 175 du code de procédure pénale fixe, chacun le sait, les règles applicables à une procédure suivie avant un éventuel renvoi devant une juridiction de jugement.

C’est l’ultime occasion pour les parties d’exercer les droits éventuels avant que le juge d’instruction ne prenne son ordonnance de règlement (ordonnance de non-lieu ou ordonnance de renvoi).

Préalablement, le système était le suivant : lorsque l’information lui paraît terminée, le juge d’instruction en avise les parties qui disposent alors automatiquement de deux délais incompressibles : un premier délai (de 1 mois ou 3 mois selon que la personne mise en examen est détenue ou pas) pour présenter des observations, formuler des demandes d’actes, faire constater la prescription de l’action publique, solliciter une expertise ou encore présenter une requête en nullité, et un second délai (de 10 jours ou 1 mois selon que la personne mise en examen est détenue ou pas) pour présenter des observations complémentaires au vu notamment des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées.

Désormais, ces droits ne sont plus automatiques mais doivent faire d’une déclaration par la partie qui prétend les exercer, dans un délai de 15 jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition, soit de l’envoi de l’avis de fin d’information.

Le but poursuivi par ces nouvelles dispositions est de raccourcir les délais de l’instruction dans un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice, en permettant au juge d’instruction de prendre son ordonnance de règlement plus rapidement.

On peut toutefois douter de l’efficacité du dispositif mis en place et être quelque peu choqué par le raccourcissement des délais offerts aux parties.

D’une part, même dans l’hypothèse où toutes les parties ne se manifesteraient pas dans le délai imparti, le gain de temps paraît dérisoire au regard de la durée moyenne d’une instruction (31,6 mois en 2016 (1)) : 10 jours si une personne mise en examen est détenue, 1 mois si aucune personne n’est détenue. (2)

D’autre part, au regard du court délai laissé aux parties, on peut penser que la pratique des conseils sera de systématiquement faire une déclaration afin de protéger les droits de leurs clients. Surtout, on voit mal quel serait l’intérêt de renoncer à des droits, notamment à celui de faire des observations complémentaires alors que les réquisitions du ministère public ne sont pas encore connues.

A cet égard, il faut préciser que la formalité n’est pas trop contraignante puisque la déclaration peut être faite par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du greffier du juge d’instruction saisi du dossier (pénultième alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale).

Comme quoi, sous prétexte de simplifier et de raccourcir les délais, on peut multiplier les procédures et les rallonger.



(1) : Les chiffres-clés de la Justice 2018
(2) : En effet, il ne semble pas que, même dans l’hypothèse où les parties ne se manifestent pas, le législateur ait autorisé le juge d’instruction à rendre son ordonnance de règlement dès réception des réquisitions. Il doit tout de même attendre l’expiration du délai d’un mois ou de trois mois selon les hypothèses C’est en tout cas ce que prévoit l’article 175-VII du CPP : « A l’issue, selon les cas, du délai d’un mois ou de trois mois (…) le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement », confirmé par les travaux parlementaires : « Avec la nouvelle rédaction, le juge pourrait, si les parties ne se manifestent pas dans le délai (…) qui leur est imparti, rendre son ordonnance au bout de trois mois ou au bout d’un mois, selon les hypothèses. » (p. 241 du rapport n° 11 fait au nom de la commission de législation du Sénat et p. 317 du rapport n° 1396 fait au nom de la commission de législation de l’Assemblée nationale).


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...