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De nouveaux droits de l’enfant ? (543)

Droits des enfants - jprosen, 22/10/2013

Il est politiquement intéressant que Mme Bertinotti, ministre de la famille, ait eu le souci, dans le cadre de la préparation de la loi Famille, de mandater spécialement un groupe de travail (1) pour réfléchir aux nouveaux droits à reconnaître … Continuer la lecture

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Il est politiquement intéressant que Mme Bertinotti, ministre de la famille, ait eu le souci, dans le cadre de la préparation de la loi Famille, de mandater spécialement un groupe de travail (1) pour réfléchir aux nouveaux droits à reconnaître aux enfants. Cette démarche marque bien politiquement que l’enfant est une composante essentielle de la famille ; il fait même la famille quelque soit le régime matrimonial des parents. Sans enfants un couple est un ménage.

L’enfant – c’est-à-dire au sens de la loi française et internationale – l’individu de moins de 18 ans est une personne et à ce titre dispose de tous les droits de la personne humaine.

Droit à  l'enfant …

L’enfant n’est pas seulement un objet de désir. On peut régulièrement – conf. le débat sur le mariage pour les couples homosexuels - entendre la revendication d’un droit à l’enfant soit par l’adoption par l’accès aux techniques de procréations médicalement assistées. Non seulement, notre pays ne reconnaît pas ce droit à l’enfant, mais il n’aurait aucun moyen de le garantir. Il était important que dans le débat public on quitte l 'ornière dans laquelle nous nous sommes embourbés de longs mois durant.

Droit sur l’enfant  …

De même faut-il ne pas s’engluer dans la problématique tout aussi régulièrement présente sur la place publique des violences exercées par des adultes, spécialement par des parents, sur l’enfant. Violences physiques, sexuelles ou psychologiques. Prenant conscience à la fin du XIX° siècle, quand l’école est devenue obligatoire, du calvaire que pouvaient vivre trop d’enfants, il a fallu que la puissance publique impose des limites aux comportements de certains parents. L'Etat pénétrant dans la sphère privée a limité la puissance paternelle. Seules les violences légères – c’est-à-dire ne laissant pas de traces -  sont tolérées sur un enfant. Et encore seuls les parents au nom du pouvoir de correction paternelle sont-ils admis à la pratiquer. On sait que se pose aujourd’hui la question de savoir s’il faut répondre à l’Appel du Conseil de l’Europe ,déjà suivi par 27 pays membres, de mettre fin aux châtiments corporels.

Après avoir condamné les violences exercées sur le domestique, l’ouvrier, et récemment et la femme, l’enfant serait le dernier personnage qui pour lequel l’usage a force et la violence serait considéré comme une méthode éducative. Bref, on confond encore trop systématiquement chez certains, et pas seulement dans les communautés malienne ou haïtienne de France, autorité et violence. On en rigole publiquement (conf. les réactions goguenardes de journalistes à la condamnation de ce père à 500 euros avec sursis pour violences à enfant qu’on a qualifié de simple fessée ! - pour ne pas avoir à aborder les contradictions de fond que nous trimbalons.

Droit de l’enfant …

La ministre de la famille nous invite donc à travailler sur les droits de l’enfant. Une première depuis 20 ans.

Cette démarche doit s’analyser comme l’affirmation que l’enfant est un être public, un sujet de droits qui peut et doit être l’objet de politiques publiques.

La chose peut sembler aller de soi, mais justement elle n’est pas si évidente que cela. Qu’on en juge : pas de ministère de l’enfance, pas de délégations parlementaires à l’enfance, pas de code de l’enfance. L’échange entre pouvoirs publics et réseau associatif que nous avions un temps réussi à mettre en place le jour anniversaire – le 20 novembre - de l’adoption par l’ONU de la convention internationale relative aux droits de l’enfant est désormais enterré de longue date. On a même vu l’ancien président Sarkozy, en violation de la loi, refuser de se faire remettre personnellement le rapport du Défenseur des enfants.

En d’autres termes, une nouvelle donne politique se dessine qui est plus conforme à la réalité sociale.

Reste à répondre à la commande.

En visitant l’histoire et ce qui se fait à l’étranger sur les mêmes thèmes et sachant

-        que des droits découlent les responsabilités et que la question est bien de reconnaitre des droits à la hauteur des responsabilités. Je rappellerai qu’à 13 ans un enfant peut être jugé suffisamment responsable pour aller en prison

-        que parler des droits des enfants ne signifie pas, tout au contraire, désapproprier les parents de leurs responsabilités ; le droit premier de l’enfant est même d’avoir à ses côtés des adultes responsables quitte à clarifier les responsabilités de des adultes ( la loi sur les tiers appelée depuis 20 ans)

-        que d’ores et déjà les enfants ont des droits … et des devoirs (voir mes blogs précédents dont le 539)

il semble bien que trois angles d’attaque sont possibles si l’on entend s’interroger sur les nouveaux droits des enfants

1)      Faut-il accroitre le capital droit des enfants ?

2)      L’enfant peut-il plus souvent exercer lui-même ses droits  ?

3)      Comment lui faciliter l’accès à ses droits ?

Essayons de poser les questions sur chacun de ces points. Les réponses viendront du travail collectif.

Un portefeuille modernisé ?

Sur de nombreux points des avancées sont possibles, mais rien n’est évident. Certains points ouvrent sur des résistances majeures, voire feront polémique. Mais il est interdit d’interdire de réfléchir

1)      Un droit au respect des différents affiliations ? Chacun d’entre nous est un mille-feuilles ? Ces feuilles font notre différence, notre altérité. Je l’ai écris ici, chacun d’entre nous doit pouvoir s’inscrire dans sa filiation biologique et déjà connaître ses origines génétiques s’il le souhaite, mais dans le même temps voir respectée sa filiation affective. 1+1=1+1+ … =1. Mais ce droit doit-i être réservé aux enfants abandonnés ou nés de procréations assistées ?

2)      Le droit à des adultes responsables ? N’est-ce pas le premier des droits de l’enfant. Il doit être dit que l’enfant bénéficie de la protection de celui qui l’élève qui peut ne pas être son géniteur et qu’il est en devoir de respecter son autorité.

3)      Le droit de saisir un juge - le juge aux affaires familiales – en cas de mésentente familiale chronique ou majeure? Faut-il attendre qu’un enfant soit en danger et saisisse un juge des enfants (art. 375 du code civil)

4)      Le droit au respect de sa personne ? Les châtiments corporels – j’y reviens – sont d’une autre époque sous nos cieux. Les anglais ont renoncé à la badine dans les établissements scolaires alors qu’elle était de tradition plus que séculaire. Faut-il ajouter que ne pas « cogner » son enfant, c’est prévenir les dérapages et la maltraitance.

5)      Le droit de n’être pas marqué dans son corps au nom de croyance et de religion conformément aux termes de la Convention internationale er de la délibération de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe (voir mon blog 541)

6)      La liberté de conscience liée au point précédent. Dans la foulée d l’article 14 de la CIDE ne faut-il pas affirmer la liberté de conscience de religion de l’enfant ? Peut il refuser de suivre des préceptes religieux ? Peut-on lui interdire de suivre la religion de son choix ? Question intimement liée : le droit des parents d’élever leurs enfants dans les principes religieux ou laïcs de leur choix. La laïcité ne s’entend-t-elle pas de la culture du fait religieux ? Donc du droit de l’enfant pour faire un choix éclaire d’être sensibilisé aux religions ?

7)      Le droit de prouver son identité : pourquoi exige-t-on en pratique contrairement aux termes de la loi de 1955 qu’un enfant ait l’accord de ses parents pour disposer d’une carte d’identité ?

8)      Le droit de pouvoir s’exprimer selon son discernement et son développement sur toutes les questions le concernant, à la maison ou l’école ou dans la cité. En arrière fond la question du droit électoral de l’enfant ? A 16 ans ? Aux élections municipales ? Mais avec quelles garanties ?

9)      Le droit d’adhérer à une association et en devenir dirigeant (art. 15 de la CIDE), mais faut-il fixer un âge pour pouvoir être diriger ?

10) Le droit de s'exprimer à travers des journaux ou autres fanzines ou médias sociaux ? Avec quelles précautions ?

10)   Le droit de conduire à 16 ans une voiture quand à 14 ans on peut piloter un avion ?

On pourrait certainement trouver d’autres thèmes (les soins, l’accès à la nationalité française, etc.), mais on voit que déjà il va nous falloir intégrer l’idée que cette approche de l’enfant sujet de droits n’est pas que théorique. Elle implique une posture à laquelle nombre ne sont pas près intellectuellement ou pas disposer à céder de leur pouvoir.

Deuxième piste : l’enfant peut-il être plus qu’il ne l’est acteur de ses droits ?

Aujourd’hui l’enfant est un incapable. Ses droits sont exercés par ses représentants légaux (parents ou tuteur). Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il peut agir seul. Par exemple porter plainte ou saisir un juge des enfants, accomplir les actes de la vie courantes comme acheter sa carte orange ou de quoi manger.

Parfois il a besoin de l’accord de ses parents oui d’un adulte, par exemple la jeune fille pour interrompre sa grossesse.

Dans d’autres cas il dispose d’un droit de veto : pas d’adoption au-dessus de 13 ans sans l’accord de l’enfant.

On peut imaginer qu’en parallèle à l’échelle de l’engagement de la responsabilisé pénale marquée par des seuils d’âge – 7/8 ans, 13, 16 et 18 ans - il y ait une échelle de la capacité civile qui veuille que jusqu’à un  certain âge l’enfant soit nécessairement représenter car tenu pour incapable, mais qu’après on inverse la logique : il pourrait agir sauf opposition de ses parents. C’est ce qu’on appelle le principe de la pré capacité civile ou petit à petit l’enfant chemine vers la pleine responsabilité à 18 ans, avec des droits et des devoirs correspondant.

L’idée est séduisante mais nécessite des vérifications sur les cas délicats comme les questions de santé.

Troisième axe enfin : l’accès aux droits

A quoi sert-il d’avoir des droits si on ne les connait pas, dans leur portée mais aussi dans leur sens ?

Si nul n’est censé ignorer la loi qui la connait ? Comment les adultes peuvent-ils rappeler la loi aux enfants si eux-mêmes en ignorent les termes ? Que dire de policiers qui refusent de recevoir la plainte d’une jeune fille pour viol au prétexte qu’elle est mineure ?

A quoi sert-il d’avoir des droits si on n’est pas assisté pour les exercer ?

Or les enfants ne peuvent pas toujours compter sur leurs parents pour défendre leurs droits. Il leur faut un administrateur ad hoc qui y veille, voire un  avocat désigner par cet administrateur ad hoc pour agir en justice. C’est le cas pour les enfants violentés mais pas seulement.

Toutes ces questions et celles que j’oublie sont désormais en débat. Nous allons tenter des cerner les termes, dénoncer des orientations. Tout simplement des concepts ne doivent-ils pas être modernisé ?. Par exemple, passer de l'autorité parentale à la responsabilité parentale comme on a su en 58 passer de la puissance paternelle à l'autorité parentale ? pourquoi continuer d'affirmer qu'a tout âge l'enfant doit honneur et respect à ses parents ?

Le débat politique transformera ce qu’il retiendra en règles du jeu social. Il lui faudra aussi faire preuve de pédagogie pour intégrer ces nouvelles règles qui souvent sont de pur bon sens voir anticipées par de  nombreux français.

Chacun peut avoir un point de vue à condition d’argumenter sérieusement.

Merci des contributions que vous entendrez apporter en bas de ce post et des échanges qui se noueront comme déjà tant de fois depuis 2005.

PS J’ai rarement relevé un acte aussi irresponsable dans tous les sens du terme de la part d’un élu que d’entendre ce matin le sénateur vert Jean Vincent Placé appeler les lycéens à descendre dans la rue pour soutenir la jeune Léonarda. Tout cela dixit l’intéressé pour exister médiatiquement car on avait tendance à l’oublier.

(1)    Trois autres ont en charge la filiation, la médiation familiale, la protection de l’enfance et l’adoption. Les rapports seront remis en décembre


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