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Conseil d’État - 307914

- wikisource:fr, 19/08/2007


Conseil d’État
30 juillet 2007


Juge des référés - Société Transport maritime service SARL - 307914


Référé libertés



Visas

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par la Société Transport maritime service SARL, dont le siège est 45, rue de l’Amiral Muselier BP 4267 à Saint-Pierre-et-Miquelon (97500) ; la Société Transport maritime service SARL demande au juge des référés du Conseil d’État :

  1. d’annuler l’ordonnance du 28 juin 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime du 12 juin 2007 refusant de renouveler les titres de sécurité et les certificats de prévention de la pollution du navire Aldona et à ce qu’il soit enjoint au chef du centre de sécurité des navires compétent de réexaminer le renouvellement de ces titres dans un délai de trois jours à compter de la décision à intervenir ;
  2. de suspendre la décision du chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime du 12 juin 2007 portant refus de renouvellement des titres de sécurité et des certificats de prévention de la pollution du navire Aldona ainsi que la décision confirmative du directeur régional des affaires maritimes de Haute-Normandie du 20 juillet 2007 ;
  3. d’enjoindre à l’autorité compétente de délivrer des titres de sécurité provisoires dans l’attente d’un réexamen de la situation de l’Aldona ou, à défaut, de lui enjoindre d’examiner le renouvellement des titres de sécurité du navire Aldona, dans un délai de trois jours suivant la notification de l’ordonnance à intervenir ;
  4. de mettre à la charge de l’État le paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens ;

elle soutient que les décisions contestées portent une atteinte grave et immédiate à sa liberté d’entreprendre quand bien même son activité s’exercerait dans un cadre strictement réglementé ; qu’en effet, ces décisions l’obligent, sous peine de sanctions pénales, à cesser toute activité alors qu’il n’existe aucun risque imminent pour la sécurité des personnes et l’environnement ; que la condition d’urgence est satisfaite dès lors que les décisions contestées, d’une part, l’obligent à cesser toute activité et la privent de l’intégralité de ses recettes, d’autre part, ne sont pas justifiées, en l’absence de risque imminent pour la sécurité des personnes ; que les décisions attaquées sont entachées d’une illégalité manifeste ; qu’en effet, le chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime et la commission de visite périodique du même centre n’avaient pas compétence pour vérifier l’état du navire et refuser les titres de sécurité demandés dès lors que le service des affaires maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon était seul compétent à cet effet, en vertu du paragraphe 17 de l’article 120-1.04 du règlement de sécurité des navires, s’agissant d’un navire immatriculé dans sa circonscription ; que la circonstance que l’armateur ait saisi lui-même les services de Seine-Maritime est sans influence à cet égard, l’autorité administrative incompétente étant tenue de transmettre la demande à l’autorité compétente ; que les décisions contestées sont fondées sur des prescriptions manifestement illégales ; qu’en effet, en premier lieu, les prescriptions relatives au dispositif d’extinction fixe par le gaz CO2 ne sont pas motivées, n’indiquent pas les dispositions en vertu desquelles elles sont formulées, comme le prévoit l’article 30 du décret du 30 août 1984, et reposent sur des dispositions du règlement de sécurité des navires qui ne lui sont pas applicables ; que l’installation en cause est conforme à l’article 322-1.01 de ce règlement, ainsi qu’il ressort de l’attestation régulièrement délivrée par le bureau Véritas ; que, en deuxième lieu, l’attestation relative à la mesure de l’amiante délivrée par la société canadienne Envirotech, qui indique la conformité de l’état du bateau à la réglementation française, doit être regardée comme équivalent à une attestation délivrée par la société française du même groupe, agréée par l’arrêté ministériel du 31 décembre 2006 ; que, en troisième lieu, si le navire Aldona doit être équipé d’un système de filtrage des rejets des eaux de cale permettant de s’assurer que la teneur de l’effluent en hydrocarbures est inférieure à un certain seuil, la convention Marpol n’impose pas que ce dispositif soit muni d’un système de contrôle permanent du dépassement du seuil pour les navires de ce type ; que la teneur en hydrocarbures des rejets d’eaux de cale de l’Aldona est très inférieure au seuil prescrit ; que le navire dispose d’un système de filtrage des rejets des eaux de cale ainsi qu’un système de contrôle permanent des hydrocarbures et n’a pas fait l’objet, par le passé, de prescriptions aussi exigeantes de la part de la commission de visite périodique ; qu’enfin, il ne saurait être reproché à la société de ne pas avoir équipé le navire de bossoirs agréés alors que l’absence d’un tel dispositif, acceptée antérieurement par l’administration, ne comporte pas de danger imminent et que l’administration n’a pas répondu aux courriers qui lui ont été adressés à ce sujet ;

Vu l’ordonnance du 28 juin 2007 ; les autres pièces du dossier ; la loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 modifiée ; le décret n° 84-810 du 30 août 1984 modifié ; l’arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires modifié ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, porté une atteinte grave et manifestement illégale ; que l’article L. 522-3 de ce code prévoit que le juge des référés peut, par ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci est mal fondée ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, l’habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution : « La délivrance, le renouvellement et la validation des titres de sécurité et des certificats de prévention de la pollution sont subordonnés à des visites du navire effectuées dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État » ; qu’aux termes de l’article 3 du décret du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, l’habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution : « Aucun navire français ne peut prendre la mer sans être muni des titres de sécurité et de prévention de la pollution délivrés dans les conditions prévues au présent décret » ; qu’aux termes de l’article 6 du même décret : « I Tous les navires français entrant dans le champ des conventions internationales visées à l’article 6 de la loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 doivent être munis des certificats internationaux de sécurité et de prévention de la pollution / II. Les certificats internationaux de sécurité et de prévention de la pollution sont visés annuellement et renouvelés par le président de la commission de visite périodique » et qu’aux termes de son article 7 : « La délivrance et le renouvellement des titres prévus à l’article 3 sont subordonnés au respect de dispositions des conventions internationales énumérées dans la loi du 5 juillet 1983 susvisée et des dispositions du présent décret, notamment celles du titre II » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la S.A.R.L. Transport maritime service est une entreprise de transport de fret maritime assurant l’approvisionnement de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; qu’elle exploite, à cette fin, un seul navire : « L’Aldona » ; que, le 3 avril 2007, l’armateur a soumis ce navire, conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1983 et de l’article 6 du décret du 30 août 1984, à une visite annuelle de contrôle en vue du renouvellement de ses titres de sécurité et de prévention de la pollution, qui expiraient le 15 avril 2007 ; qu’à l’issue de sa visite, la commission de visite périodique du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime a émis 36 prescriptions et proposé de ne pas renouveler les titres et certificats en question ; que, toutefois, à la demande de l’armateur et afin de permettre à ce dernier de mettre en conformité le navire avec les prescriptions de la commission, le chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime a accepté de proroger à cinq reprises, à titre dérogatoire et exceptionnel, les titres et certificats du navire, jusqu’au 12 juin 2007 ; qu’à l’issue de la dernière prorogation, certaines prescriptions n’étant toujours pas respectées, le chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime a refusé de renouveler les titres et certificats du navire ; que, sans exercer le recours hiérarchique devant le directeur régional des affaires maritimes prévu par l’article 34 du décret du 30 août 1984, la société Transport maritime service a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, le 25 juin 2007, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une demande tendant à la suspension de cette décision et à ce qu’il soit ordonné au chef du centre de sécurité des navires compétent de réexaminer le renouvellement des titres de sécurité dans un délai de trois jours ; que, par ordonnance du 28 juin 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande au motif que la décision litigieuse ne pouvait être regardée comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre invoquée par la société requérante ; que, le même jour, la société requérante a formé auprès du directeur des affaires maritimes de Haute-Normandie un recours hiérarchique, qui a été rejeté par décision du 20 juillet 2007 ; qu’à la suite de cette décision de rejet, la société a saisi, le 26 juillet 2007, le juge des référés du Conseil d’État d’un appel contre l’ordonnance du 28 juin 2007 ;

Considérant que, devant le juge d’appel, la société requérante, reprenant les arguments qu’elle a fait valoir devant le premier juge, soutient que la décision litigieuse, prise par une autorité incompétente après avis d’une commission, elle aussi, incompétente et sur la base de prescriptions manifestement illégales, l’oblige à interrompre son activité et à mettre au chômage technique son personnel, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’entreprendre ;

Considérant, toutefois, qu’il ressort des pièces du dossier que l’impossibilité dans laquelle se trouve la société requérante d’exploiter « L’Aldona » découle de l’application qui lui a été faite des règles, nombreuses et très contraignantes, prises tant au plan international qu’au plan national pour assurer la sécurité des navires et, en particulier, la sauvegarde des vies humaines et la protection du milieu marin contre la pollution ; que l’application de ces règles ne paraît pas, en l’état de l’instruction, entachée d’une illégalité manifeste dès lors, d’une part, que la compétence de la commission de visite périodique et du chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime découle de dispositions prises pour pallier l’impossibilité dans laquelle se trouve actuellement le service des affaires maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon, normalement compétent en vertu de l’article 120-1.03 du règlement de sécurité des navires, de contrôler la sécurité des navires immatriculés dans sa circonscription, d’autre part, qu’il n’est pas établi que les prescriptions contestées seraient irrégulièrement imposées à la société requérante, ni que celle-ci les respecterait ; que la société requérante, à qui des prescriptions identiques avaient déjà été adressées dans le passé, notamment en ce qui concerne l’installation de bossoirs et d’un canot de secours, n’a pris aucune mesure pour les satisfaire et n’a pas davantage accompli les diligences nécessaires pour obtenir le renouvellement de son autorisation de navigation en temps utile ; qu’enfin, ainsi qu’il a été déjà été dit, la société requérante a bénéficié, à plusieurs reprises, d’une prolongation, à titre exceptionnel et dérogatoire, de la validité de ses précédents certificats afin de mettre son navire en conformité avec les prescriptions qui lui étaient imposées ; qu’ainsi, il n’apparaît pas que la décision du chef du centre de sécurité des navires de Seine-Maritime, qui répond à de légitimes préoccupations de sécurité des navires et qui a été confirmée par la décision du directeur régional des affaires maritimes de Haute-Normandie, lequel a suivi l’avis presque unanimement favorable de la commission de sécurité, ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre de cette société ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l’application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu’ainsi, sa requête, qui est manifestement mal fondée, doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société requérante la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens… (Rejet de la requête.)



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