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Conseil d’État - 315723

- wikisource:fr, 8/08/2008


Conseil d’État
25 juillet 2008


2ème/7ème SSR - Association nouvelle des Boulogne Boys - 315723


M. Frédéric Lenica, commissaire du gouvernement



Sommaire

Visas

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par l’Association nouvelle des Boulogne Boys, dont le siège est situé 65 rue de Gergovie à Paris (75014), représentée par son président ; l’Association nouvelle des Boulogne Boys demande au Conseil d’État :

  1. d’annuler le décret du 17 avril 2008 prononçant sa dissolution ;
  2. de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le code du sport ; le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-18 du code du sport : « Peut être dissous par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l’article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l’occasion d’une manifestation sportive, des actes répétés constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d’incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. / Les représentants des associations ou groupements de fait et les dirigeants de club concernés peuvent présenter leurs observations à la commission. (…) » ; que, par le décret attaqué, en date du 17 avril 2008, pris en application des dispositions précitées, a été prononcée la dissolution de l’Association nouvelle des Boulogne Boys ;

Sur la légalité externe

Considérant qu’aux termes de l’article R. 332-11 du code du sport : « Saisie par le ministre de l’intérieur d’un projet de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait mentionnés à l’article L. 332-18, la commission rend son avis dans le mois qui suit sa saisine. / Le ministre chargé des sports est tenu informé de cette demande d’avis » et qu’aux termes de l’article R. 332-12 du même code : « Le président de la commission définit les modalités de l’instruction de l’affaire et invite les représentants des associations ou des groupements de fait mentionnés par le projet de dissolution à présenter leurs observations écrites ou orales. / Les dirigeants des clubs sportifs concernés sont informés qu’ils peuvent également présenter leurs observations écrites ou orales » ;

Considérant, d’une part, que, par lettre du 8 avril 2008, notifiée à l’intéressé par voie administrative le 10 avril, M. Dupont, président de l’Association nouvelle des Boulogne Boys, a été informé des griefs formulés à l’encontre de l’association et invité à produire des observations écrites et, le cas échéant, orales ; que l’association requérante, qui disposait pour ce faire d’un délai dont le terme était fixé au 15 avril à 12 h 00, a produit des observations écrites le 14 avril 2008 ; que ses représentants ont été entendus par la commission le 16 avril 2008 ; que l’association ne soutient pas qu’elle aurait été placée dans l’impossibilité de produire certains éléments utiles à sa défense ; que, dans ces conditions, elle n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas disposé d’un délai suffisant pour présenter ses observations ; que, d’autre part, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, les dirigeants du club du Paris Saint-Germain et de l’association Paris Saint-Germain Football Club ont été invités à présenter des observations, et ont d’ailleurs présenté des observations écrites à la commission les 10 et 14 avril 2008 ; qu’enfin, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, et notamment le principe général des droits de la défense, n’imposait de communiquer préalablement à l’association, qui avait connaissance des griefs précis formulés contre elle, tous les éléments de preuve dont disposait l’administration ; que, par suite, l’association requérante, qui ne saurait utilement invoquer à l’encontre d’une mesure de police administrative les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’est pas fondée à soutenir que la procédure suivie aurait méconnu les dispositions de l’article R. 332-12 du code du sport ou les droits de la défense ;

Considérant que le décret attaqué, qui indique les éléments de droit et de fait qui fondent la décision, et notamment les actes précis reprochés aux membres de l’association, est suffisamment motivé ;

Sur la légalité interne

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’association requérante a pour objet, selon ses statuts, de soutenir « le Paris Saint-Germain » ; qu’elle doit ainsi être regardée comme ayant pour objet le soutien tant de l’association sportive « Paris Saint-Germain Football Club » que de la société sportive « Paris Saint-Germain », constituée par cette dernière en application de l’article L. 122-1 du code du sport, ou des joueurs de cette dernière ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’entrait pas dans le champ d’application de l’article L. 332-18 du code du sport ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports de police produits par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, que, lors des saisons sportives 2006/2007 et 2007/2008, les membres de l’association requérante, dont l’objet est de soutenir le club de football du Paris Saint-Germain (PSG), ont commis, en réunion, en relation ou à l’occasion de rencontres sportives, des actes répétés de dégradations de biens, de violences sur des personnes ou d’incitation à la haine ou à la discrimination ; qu’en particulier, les pièces du dossier font ressortir, ce que l’association ne conteste pas sérieusement, l’implication de membres de l’association ainsi que d’ailleurs du groupement de fait qu’elle constitue avec des personnes qu’elle présente indûment comme indépendantes, dans les incidents survenus le 10 septembre 2006, avant le match PSG-Olympique de Marseille, où deux membres ont été interpellés pour des jets de projectiles sur des agents de la force publique, le 23 novembre 2006, à l’issue du match PSG-Tel Aviv, où de nombreux actes de dégradation et de destruction ainsi que des violences ont été commises notamment par ses membres et où l’un d’entre eux a trouvé la mort, les 24 et 25 novembre 2007, à l’occasion du match Nice-PSG, où plusieurs membres ont été interpellés à la suite de violences et en possession d’une arme, le 17 février 2008, lors du déplacement en vue de la rencontre OM-PSG, où des membres de l’association ont proféré des injures et des menaces à caractère raciste et se sont livrés à des destructions en présence du président de l’association, enfin, le 29 mars 2008, lors du match PSG-Lens, où une banderole incitant à la haine et à la discrimination a été réalisée avec le soutien matériel et déployée avec la complicité de l’association ; que, dans ces conditions, l’auteur du décret attaqué, qui ne s’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et qui n’était pas tenu d’identifier individuellement les membres de l’association auteurs des agissements mentionnés ci-dessus, a fait une exacte application des dispositions précitées de l’article L. 332-18 du code du sport, et n’a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’association au regard des motifs d’intérêt général qui justifiaient cette mesure ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l’association requérante la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens… (rejet de la requête)



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