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Loi sur la réorganisation du Conseil d Etat du 24 mai 1872

- wikisource:fr, 6/02/2008


Loi sur la réorganisation du Conseil d'Etat (24 mai 1872) (extraits)


 




La Loi sur la réorganisation du Conseil d Etat du 24 mai 1872 est un texte historique encore partiellement en vigueur aujourd'hui (art. 25 à 27), puisqu'il fonde le Tribunal des conflits. Il marque aussi le passage de la justice retenue à la justice déléguée.

Sommaire

TITRE 1ER – COMPOSITION DU CONSEIL D’ETAT

Art. 1er. Le Conseil d’Etat se compose de vingt-deux conseillers d’Etat en service ordinaire, et de quinze conseillers d’Etat en service extraordinaire. Il y a auprès du Conseil d’Etat, 1° vingt-quatre maîtres de requêtes, et 2° trente auditeurs. Un secrétaire général est placé à la tête des bureaux du Conseil ; il a le rang et le titre de maître des requêtes. Un secrétaire spécial est attaché au contentieux.

2. Les ministres ont rang et séance à l’assemblée générale du Conseil d’Etat. Chacun d’eux a voix délibérative, en matière non contentieuse, pour les affaires qui dépendent de son ministère. _ Le garde des sceaux a voix délibératives toutes les fois qu’il préside soit l’assemblée générale, soit les sections.

3. Les conseillers d'Etat en service ordinaire sont élus par l'Assemblée nationale, en séance publique, au scrutin de liste et à la majorité absolue. Après deux épreuves, il est procédé un scrutin de ballottage entre les candidats qui ont obtenu le plus de suffrages en nombre double de ceux qui restent encore à élire. Avant de procéder à l'élection, l'Assemblée nationale charge une commission de quinze membres, nommée dans les bureaux, de lui proposer une liste de candidatures. Cette liste contient des noms en nimbre égale à celui des conseillers à élire, plus une moitié en sus ; elle est dressée par ordre alphabétique.

(...)

4. Le Conseil d’Etat est présidé par le garde des sceaux, ministre de la justice, et, en sn absence, par un vice-président. Le vice-président est nommé par décret du Président de la République et choisi parmi les conseillers en service ordinaire. En l’absence du garde des sceaux et du vice-président, le Conseil d’Etat est présidé par le plus ancien des présidents de section, en suivant l’ordre du tableau.

5. Les conseillers d'Etat en service extraordinaire sont nommés par le Président de la République ; ils perdent leur titre de conseiller d'Etat de plein droit, dès qu'ils cessent d'appartenir à l'administration active.

(...)

6. Nul e peut être nommé conseiller d'Etat s'il n'est âgé de trente ans accomplis ; maître des requêtes, s'il n'est âgé de vingt-sept ans ; auditeur de deuxième classe, s'il a moins de vingt et un ans et plus de vingt-cinq ; auditeur de première classe, s'il a moins de vingt-cinq ans et plus de trente.

7. Les fonctions de conseiller en service ordinaire et de maître des requêtes sont incompatibles avec toute fonction publique salariée. (...)

TITRE II - FONCTIONS DU CONSEIL D'ÉTAT

8. Le Conseil d'Etat donne son avis: 1° sur les projets d'initiative parlementaire que l'Assemblée nationale juge à propos de lui renvoyer; 2° sur les projets de loi préparés par le Gouvernement, et qu'un décret spécial ordonne de soumettre au Conseil d'Etat; 3° sur les projets de décret et, en général, sur toutes les questions qui lui sont soumises par le Président de la République ou par les ministres. Il est appelé nécessairement à donner son avis sur les règlements d'administration publique et sur les décrets en forme de règlements d'administration publique. Il exerce, en outre, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, toutes les attributions qui étaient conférées à l'ancien Conseil d'Etat par les lois ou règlements qui n'ont pas été abrogés. Des conseillers d'Etat peuvent être chargés par le Gouvernement de soutenir devant l'Assemblée les projets des lois qui ont été renvoyés à l'examen du Conseil.

9. Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative, et sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoirs formées contre les actes des diverses autorités administratives.

TITRE III. - FORMES DE PROCÉDER

10. Le Conseil d'Etat est divisé en quatre sections, dont trois seront chargées d'examiner les affaires d'administration pure, et une de juger les recours contentieux. La section du contentieux sera composée de six conseillers d'Etat et du Vice-président du Conseil d'Etat; les autres sections se composeront de quatre conseillers ct d'un président. Les présidents de section sont nommés par décrets du Président de la République et choisis parmi les conseillers en service ordinaire. _Le ministre de la justice a le droit de présider les sections, hormis la section du contentieux. _ Les conseillers en service ordinaire sont répartis entre les sections par décrets du Président de la République. Les conseillers en service extraordinaire, les maîtres des requêtes et les auditeurs sont distribués entre les sections par arrêtés du ministre de la justice, suivant les besoins du service. Les conseillers en service extraordinaire ne peuvent pas être attachés à la section du contentieux. Un règlement d'administration publique statuera sur l'ordre intérieur des travaux du Conseil, sur la répartition des affaires entre les sections, sur la nature des affaires qui devront être portées à l'assemblée générale, sur le mode de roulement des membres entre les sections, et sur les mesures d'exécution non prévues par la présente loi.

11.Les conseillers en service extraordinaire ont voix délibérative, soit à l'assemblée générale, soit à la section, dans les affaires qui dépendent du département ministériel auquel ils appartiennent. Ils n'ont que voix consultative dans les autres affaires. Les maîtres des requêtes ont voix délibérative soit à l'assemblée générale, soit à la section, dans les affaires dont le rapport leur a été confié, et voix consultative dans les autres. Les auditeurs ont voix délibérative à leur section et voix consultative à l'assemblée générale, seulement dans les affaires dont ils sont les rapporteurs.

12. Le Conseil d'Etat, en assemblée générale, ne peut délibérer si treize au moins de ses membres, ayant voix délibérative, ne sont présents. En cas de partage, la voix du président est prépondérante. Les sections administratives ne peuvent délibérer valablement que si trois conseillers en service ordinaire sont présents. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.

13. Les décrets rendus après délibération de l'assemblée générale mentionnent que le Conseil d'Etat a été entendu. Les décrets rendus après délibération d'une ou de plusieurs sections mentionnent que ces sections ont été entendues.

14. Le Gouvernement peut appeler à prendre part aux séances de l'assemblée ou des sections, avec voix consultative, les personnes que leurs connaissances spéciales mettraient en mesure d'éclairer la discussion.

15. La section du contentieux est chargée de diriger J'instruction écrite et de préparer le rapport des affaires contentieuses qui doivent être jugées par le Conseil d'Etat. Elle ne peut délibérer que si trois au moins de ses membres, ayant voix délibérative, sont présents. En cas de partage, on appellera le plus ancien des maîtres des requêtes présents à la séance._ Tous les rapports du contentieux sont faits par écrit.

16. Trois maîtres des requêtes sont désignés par le Président de la République pour remplir au contentieux les fonctions de commissaire du gouvernement. - Ils assisteront aux délibérations de la section du contentieux.

17. Le rapport est fait, au nom de la section du contentieux, à l'assemblée publique du Conseil d'Etat statuant au contentieux. Cette assemblée se compose: l° des membres de la section; 2° de six conseillers en service ordinaire pris dans les autres sections et désignés par le vice-président du Conseil délibérant avec les présidents de section. - Les conseillers adjoints à la section du contentieux ne peuvent y être remplacés que par une décision prise dans la forme qui est suivie pour leur désignation.

18. Après le rapport, les avocats des parties présentent leurs observations orales. - Les questions posées par les rapports sont communiquées, sans déplacement, aux avocats, quatre jours au moins avant la séance. - Le commissaire du Gouvernement donne ses conclusions dans chaque affaire.

19. Les affaires pour lesquelles il n'y a pas de constitution d'avocat ne sont portées à l'audience publique que si ce renvoi a été demandé par l'un des conseillers d'Etat de la section ou par le commissaire du Gouvernement à qui elles sont préalablement communiquées. Si le renvoi n'a pas été demandé, ces affaires sont jugées par la section du contentieux, sur le rapport de celui de ses membres que le président en a chargé et après les conclusions du commissaire du Gouvernement.

20. Les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les décisions qui ont été préparées par les sections auxquelles ils appartiennent, s'ils ont pris part à la délibération.

21. L'assemblée du Conseil d'Etat statuant au contentieux ne peut délibérer qu'en nombre impair; elle ne décide valablement que si neuf membres au moins ayant voix délibérative sont présents. Pour compléter l'assemblée, les conseillers d'Etat absents ou empêchés peuvent être remplacés par d'autres conseillers en service ordinaire, suivant l'ordre du tableau.

22. Toutes les décisions prises par l'assemblée du Conseil d'Etat délibérant au contentieux et par la section du contentieux sont lues en séance publique, transcrites sur le procès-verbal des délibérations et signées par le vice-président, le rapporteur et le secrétaire du contentieux. Il y est fait mention des membres ayant délibéré. Les expéditions qui sont délivrées par le secrétaire portent la formule exécutoire.

23. Le procès-verbal des séances de la section et de l’assemblée du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, mentionne l’accomplissement des dispositions contenues dans les art. 15, 17, 18, 19, 20, 21 et 22. Dans le cas où ces dispositions n’ont pas été observées, la décision peut être l’objet d’un recours en révision qui est introduit dans les formes établies par l’art. 33 du décret du 22 juillet 1806 et dans les délais fixés par le décret du 2 novembre 1864.

24. Le décret du 22 juillet 1806, les lois et règlements relatifs à l’instruction et au jugement des affaires contentieuses continueront à être observés devant la section et l’assemblée du Conseil d’Etat statuant au contentieux. Sont applicables à l’assemblée les dispositions des art. 88 et suivants du Code de procédure civile sur la police des audiences. Les recours formés contre les décisions des autorités administratives continueront à n’être pas suspensifs. Néanmoins, les conseils de préfecture pourront subordonner l’exécution de leurs décisions, en cas de recours, à la charge de donner caution ou de justifier d’une solvabilité suffisante. Les formalités édictées par les art. 440 et 441 du Code de procédure civile seront observées pour la présentation de la caution.

TITRE IV - DES CONFLITS ET DU TRIBUNAL DES CONFLITS

25. Les conflits d'attribution entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire sont réglés par un tribunal spécial composé : 1° du garde des sceaux, président ; 2° de trois conseillers d'Etat en service ordinaire élus par les conseillers en service ordinaire ; 3° de trois conseillers à la Cour de cassation nommés par leurs collègues ; 4° de deux membres et de deux suppléants qui seront élus par la majorité des autres juges désignés aux paragraphes précédents. Les membres du tribunal des conflits sont soumis à réélection tous les trois ans et indéfiniment rééligibles. Ils choisissent un vice-président au scrutin secret à la majorité absolue des voix. Ils ne pourront délibérer valablement qu'au nombre de cinq membres présents au moins.

26. Les ministres ont le droit de revendiquer devant le tribunal des conflits les affaires portées à la section du contentieux et qui n'appartiendraient pas au contentieux administratif. Toutefois, ils ne peuvent se pourvoir devant cette juridiction qu'après que la section du contentieux a refusé de faire droit à la demande en revendication qui doit lui être préalablement communiquée.

27. La loi du 4 février 1850 et le règlement du 28 octobre 1849, sur le mode de procéder devant le tribunal des conflits, sont remis en vigueur.

28. Les délais fixés pour le jugement des conflits seront suspendus pendant le temps qui s'écoulera entre la promulgation de la présente loi et l'installation du tribunal des conflits.

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

29. Pour le premier concours des auditeurs de deuxième classe, les candidats seront admis à concourir jusqu'à l'âge de vingt-sept as accomplis. Les auditeurs de deuxième classe nommés au premiers concours seront admis à concourir pour la première classe jusqu'à l'âge de trente-deux ans.

30. La commission provisoire instituée par le décret du 15 septembre 1870 continuera d'exercer ses fonctions jusqu'à l'installation du nouveau Conseil d'Etat.


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