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Conseil d’État, 319828

- wikisource:fr, 2/03/2011


Conseil d’État
11 février 2011


3ème/8ème SSR – Société Aquatrium – 319828


Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public



Sommaire

Visas

Vu, 1°) sous le n° 319828, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés par la SOCIETE AQUATRIUM, dont le siège est 55, rue Charles Keller à Nancy (54000), représentée par son président ; la SOCIETE AQUATRIUM demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 février 2008 par laquelle le ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a refusé de lui délivrer l’autorisation de mise sur le marché français du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne la turbidité, le fer, le manganèse, les sulfures, l’ammonium, les matières organiques biodégradables, les micropolluants et les microorganismes ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet du recours gracieux qu’elle a formé le 21 avril 2008 contre cette décision ;

3°) d’enjoindre au ministre chargé de la santé, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, de saisir l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir afin qu’elle se prononce sur l’innocuité et l’efficacité du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine ;

4°) de mettre à la charge de l’État la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 326062, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 12 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés par la SOCIETE AQUATRIUM, dont le siège est 55, rue Charles Keller à Nancy (54000), représentée par son président ; la SOCIETE AQUATRIUM demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 janvier 2009 par laquelle le ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a refusé d’autoriser la mise sur le marché du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine au titre d’une étape de clarification ou de finition ;

2°) d’enjoindre au ministre chargé de la santé, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, de saisir l’AFSSA dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir afin qu’elle se prononce sur l’innocuité et l’efficacité du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine au titre d’une étape de clarification ou de finition ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 ;

Vu le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007 ;

Vu l’arrêté du 17 octobre 2006 relatif aux comités d’experts spécialisés placés auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ;

Vu l’arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-8 du code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant que les requêtes n° 319828 et n° 326062 de la SOCIETE AQUATRIUM présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 1321-50 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 11 janvier 2007 relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine : « I. Les produits et procédés mis sur le marché et destinés au traitement de l’eau destinée à la consommation humaine doivent, dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, être conformes à des dispositions spécifiques définies par arrêté du ministre chargé de la santé, visant à ce que : / 1° Ils ne soient pas susceptibles, intrinsèquement ou par l’intermédiaire de leurs résidus, de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé humaine ou d’entraîner une altération de la composition de l’eau définie par référence à des valeurs fixées par cet arrêté ; / 2° Ils soient suffisamment efficaces. / Ces dispositions s’appliquent en tout ou partie, selon les groupes de produits et procédés de traitement et en fonction de leurs usages, et concernent notamment : / 1° La liste des substances et matières autorisées pour la fabrication de produits ou de supports de traitement ; / 2° Les critères de pureté de certaines substances et matières mentionnées au 1° ; / 3° Les conditions particulières d’emploi des substances et matières mentionnées au 1° et des produits dans lesquels ces substances et matières ont été utilisées ; / 4° Le cas échéant, les limites spécifiques de migration de constituants ou groupes de constituants dans l’eau ; / 5° Les limites globales de migration des constituants dans l’eau ; / 6° Les règles relatives à la nature des échantillons des produits à utiliser et aux méthodes d’analyse à mettre en œuvre en vue du contrôle du respect des dispositions prévues aux 1° à 5° ; / 7° Les modalités de vérification de l’efficacité du procédé de traitement et, le cas échéant, les critères minima en termes d’efficacité de traitement ; / 8° Les obligations minimales à respecter en matière d’information des consommateurs. / II. L’arrêté mentionné au I précise les conditions d’attestation du respect des dispositions de ce I. Cette attestation est produite, selon les groupes de produits et procédés de traitement et en fonction de leurs usages : / 1° Soit par le responsable de la première mise sur le marché ; / 2° Soit par un laboratoire habilité par le ministre chargé de la santé. / III. La demande tendant à obtenir la modification d’un arrêté pris en application du I est adressée au ministre chargé de la santé. / La composition du dossier de la demande est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / Le ministre se prononce après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / IV. La personne responsable de la mise sur le marché d’un produit ou d’un procédé de traitement ne correspondant pas à un groupe ou à un usage prévus au I doit, avant la première mise sur le marché, adresser une demande au ministre de la santé. / Les preuves de l’innocuité et de l’efficacité du produit ou du procédé de traitement fournies par le responsable de la première mise sur le marché sont jointes au dossier de la demande, dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / Le ministre soumet la demande à l’avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / En l’absence d’avis favorable, la mise sur le marché de ces produits et procédés de traitement pour l’eau destinée à la consommation humaine est interdite (…) » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE AQUATRIUM a déposé le 22 mars 2002 à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) un brevet d’invention correspondant à un procédé de traitement des eaux destinées à la consommation humaine, dénommé Spirofiltration , mettant en œuvre la technique de la filtration lente des eaux brutes dans une série de bacs successifs ; qu’en vertu d’autorisations délivrées par la direction générale de la santé et par le préfet de la Meuse, une phase d’expérimentation de ce procédé a été conduite au cours de l’année 2006 sur les sites de Lavallée et Rarécourt (Meuse) ; qu’à l’issue de ces essais, la SOCIETE AQUATRIUM a saisi le ministre chargé de la santé, par deux courriers des 26 avril et 31 mai 2007, d’une demande d’avis sur l’utilisation du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne la turbidité, le fer, le manganèse, les sulfures, l’ammonium, les matières organiques biodégradables, les micropolluants et les microorganismes ; que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), saisie par la direction générale de la santé sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du IV de l’article R. 1321-50 du code de la santé publique, a émis le 4 février 2008 un avis par lequel elle a sursis à statuer sur l’efficacité et l’innocuité pour la santé humaine du procédé Spirofiltration dans l’attente de la poursuite des essais et de la fourniture par la requérante d’informations et de résultats complémentaires ; que, compte tenu de ce premier avis, le ministre de la santé a informé la SOCIETE AQUATRIUM, par un courrier du 22 février 2008, que le procédé Spirofiltration ne pouvait à ce jour être mis sur le marché français pour le traitement de l’eau dans les conditions demandées et l’a invitée à fournir les éléments complémentaires sollicités par l’AFSSA ; qu’une décision implicite de rejet est par ailleurs née du silence conservé pendant plus de deux mois par le ministre sur le recours gracieux formé le 21 avril 2008 par la SOCIETE AQUATRIUM contre cette décision ; que, par deux courriers des 13 mai et 3 juin 2008, la société requérante a, d’une part, fourni de nouveaux éléments à l’AFSSA et, d’autre part, modifié sa demande initiale en précisant que le champ d’application du procédé Spirofiltration s’étendait aux étapes de prétraitement, de clarification dite totale et de finition, afin d’obtenir en sortie de filtre une eau traitée respectant les normes de qualité en vigueur ; que, saisie de cette nouvelle demande, l’AFSSA a émis le 1er décembre 2008 un avis défavorable à la mise sur le marché du procédé Spirofiltration pour la réduction de la turbidité des eaux au titre des étapes de clarification et de finition ; qu’au vu de cet avis, le ministre chargé de la santé a informé la SOCIETE AQUATRIUM, par un courrier du 15 janvier 2009, que, si le procédé Spirofiltration était autorisé comme étape de prétraitement, il ne pouvait en revanche être mis sur le marché au titre des étapes de clarification totale et de finition ;

Considérant que la SOCIETE AQUATRIUM conclut, d’une part, dans sa requête enregistrée sous le n° 319828, à l’annulation de la décision du 22 février 2008 de rejet de sa première demande d’autorisation de mise sur le marché du procédé Spirofiltration ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d’autre part, dans sa requête enregistrée sous le n° 326062, à l’annulation de la décision du 15 janvier 2009 par laquelle sa seconde demande d’autorisation de mise sur le marché du procédé Spirofiltration a été rejetée au titre de l’étape de clarification dite totale et au titre de l’étape de finition ;

Considérant que la société requérante soutient que c’est à tort que le ministre a soumis ses demandes de mise sur le marché du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine à la procédure d’autorisation de première mise sur le marché après avis de l’AFSSA prévue par les dispositions citées ci-dessus du IV de l’article R. 1321-50 du code de la santé publique ;

Considérant, d’une part, que, si aucun arrêté n’a été pris pour l’application du I de l’article R. 1321-50, les dispositions auxquelles celui-ci renvoie figurent dans la circulaire du 7 mai 1990, modifiée et complétée par la circulaire du 28 mars 2000, relative aux produits et procédés de traitement des eaux destinées à la consommation humaine, prise par le ministre chargé de la santé sur le fondement des dispositions du second alinéa de l’ancien article L. 21 du code de la santé publique et de l’article 4 du décret du 3 janvier 1989, qui fixe la liste des produits et procédés de potabilisation des eaux autorisés, constituée à partir des différentes autorisations individuelles délivrées par le ministre après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France et comporte, en annexe, différentes prescriptions techniques relatives aux substances minérales, aux supports minéraux, aux composés et supports organiques, aux étapes de traitement de l’eau approuvées et aux règles de pureté ; que ces circulaires ont été publiées ; qu’il est par ailleurs constant que l’arrêté auquel renvoie le IV du même article est intervenu le 17 août 2007 ; que, dès lors, l’article R. 1321-50 du code de la santé publique était applicable à la date des décisions attaquées ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions du IV de cet article que sont seuls soumis à autorisation du ministre chargé de la santé, après avis conforme de l’AFSSA, les produits et procédés de traitement de l’eau destinée à la consommation humaine qui ne correspondent pas à un groupe ou à un usage prévus au I du même article ; qu’en revanche, dès lors qu’ils sont conformes aux dispositions spécifiques définies par le ministre chargé de la santé par la circulaire mentionnée ci-dessus visant à s’assurer de leur efficacité et de leur innocuité pour la santé humaine, les produits et les procédés de traitement qui ne sont pas innovants sont dispensés d’une telle autorisation, sous réserve qu’il soit attesté des conditions du respect de ces dispositions ;

Considérant qu’en soumettant au ministre chargé de la santé ses demandes de mise sur le marché du procédé Spirofiltration , qu’elle avait breveté, la SOCIETE AQUATRIUM a fait valoir que ce procédé de clarification des eaux, qui mettait en œuvre la technique de la filtration lente, pouvait notamment être utilisé lors de l’étape d’affinage des eaux ; que, si la filtration lente figure au nombre des procédés de traitement autorisés lors de l’étape de clarification des eaux par la circulaire du 7 mai 1990, telle que modifiée et complétée par la circulaire du 28 mars 2000, elle ne figure pas, en revanche, au nombre des procédés de traitement autorisés pour l’étape d’affinage ; que, dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le ministre a regardé le procédé Spirofiltration comme un procédé innovant, soumis à autorisation individuelle de première mise sur le marché délivrée après avis de l’AFSSA en application des dispositions du IV de l’article R. 1321-50 du code de la santé publique ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 22 février 2008 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre celle-ci :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant qu’après que la SOCIETE AQUATRIUM a demandé l’avis du ministère de la santé sur l’utilisation du procédé Spirofiltration pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne la turbidité, le fer, le manganèse, les sulfures, l’ammonium, les matières organiques biodégradables, les micropolluants et les microorganismes, le ministre l’a informée par un courrier du 22 février 2008 que ce procédé ne pouvait être mis sur le marché français dans les conditions demandées, l’AFSSA ayant sursis à statuer dans l’attente de la poursuite des essais et de la fourniture d’éléments complémentaires ; que cette décision de refus du 22 février 2008 opposée à la société requérante lui a fait grief ; que, par suite, et alors même que cette société a fourni les éléments demandés à l’appui d’une nouvelle demande d’autorisation de mise sur le marché de son procédé, qui a été rejetée par une décision du 15 janvier 2009, elle est recevable à demander l’annulation des décisions qu’elle attaque ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre ne peut qu’être écartée ;

En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :

Considérant que la société requérante soutient que les décisions qu’elle attaque sont entachées d’illégalité, dès lors que l’avis de l’AFSSA, sur le fondement duquel elles ont été prises, a été élaboré à partir des travaux du comité d’experts spécialisés Eaux siégeant auprès de cette agence, dont le président et plusieurs membres entretenaient avec une société concurrente des liens de nature à affecter leur impartialité ;

Considérant que le principe d’impartialité s’impose à l’AFSSA comme à toute autorité administrative, notamment aux comités d’experts spécialisés mentionnés à l’article L. 1323-4 du code de la santé publique, au nombre desquels figure le comité d’experts spécialisés Eaux, qui est compétent pour évaluer les risques sanitaires des eaux destinées à la consommation humaine, des eaux minérales naturelles ainsi que des eaux intervenant dans la chaîne alimentaire en application de l’arrêté du 17 octobre 2006 relatif aux comités d’experts spécialisés placés auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; que l’article L. 1323-9 du même code dispose d’ailleurs, aux fins de garantir le respect du principe d’impartialité, que les membres des commissions et conseils siégeant auprès de l’AFSSA ne peuvent, sous les peines prévues à l’article 432-12 du code pénal, prendre part aux délibérations et aux votes de ces instances s’ils ont un intérêt direct ou indirect à l’affaire examinée et qu’ils doivent adresser au directeur général de l’agence, à l’occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, une déclaration, ultérieurement rendue publique, mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans son champ de compétence, ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs ; qu’ainsi l’AFSSA ne saurait rendre régulièrement un avis sur une demande d’autorisation de mise sur le marché sur la base de travaux et délibérations d’un comité d’experts spécialisés auxquels aurait pris part un de ses membres qui entretiendrait avec une entreprise intéressée par les résultats de l’examen de cette demande des liens, directs ou indirects, mêmes déclarés par lui, suffisamment étroits pour être de nature à affecter son impartialité ; que l’obligation d’impartialité vaut notamment pour le rapporteur désigné pour instruire une telle demande, qui est chargé de rédiger le rapport initial soumis à la discussion du comité d’experts, ainsi que pour le président de ce comité, auquel il incombe de désigner les rapporteurs dans chaque dossier, de conduire les débats du comité et d’en signer les avis ;

Considérant que la société requérante fait valoir en l’espèce que le président du comité d’experts spécialisés Eaux, M. , et un autre de ses membres, M. , étaient liés à la Société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP), qui détenait en vue de son exploitation commerciale un brevet d’invention concurrent du sien ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette société a déposé au cours de l’année 1998 à l’INPI un brevet correspondant à une installation de traitement de l’eau destinée à la consommation humaine comportant une série de lits de filtration contigus ; que M. , qui était alors salarié de la SAGEP, où il exerçait les fonctions de directeur de la qualité environnement, était l’un des deux inventeurs de ce procédé breveté, dénommé Primevère ; que, si l’AFSSA a sursis à statuer sur la demande d’autorisation de mise sur le marché de ce procédé par un avis du 19 avril 2005, la SAGEP a toutefois acquitté jusqu’en 2008 le montant des redevances conditionnant le maintien de ce brevet ; que M. , nommé président du comité d’experts spécialisés Eaux par un arrêté interministériel du 4 août 2006 après avoir quitté la SAGEP, a été désigné rapporteur du dossier Spirofiltration lors de la séance du 4 décembre 2007 et a pris part aux séances du comité relatifs à ce dossier ; que M. , qui exerçait les fonctions de président du comité scientifique de la SAGEP, a également pris part à ces séances ; que, par ailleurs, le ministre ne conteste pas que l’avis litigieux de l’AFSSA a été émis sur la base des travaux réalisés par le comité d’experts spécialisés Eaux ; qu’il résulte de ce qui précède que les liens ainsi entretenus par deux membres du comité d’experts spécialisés Eaux avec une société ayant développé en vue de son exploitation commerciale un brevet d’invention concurrent faisaient obstacle, en vertu du principe d’impartialité rappelé ci-dessus, à ce qu’ils prennent part à l’instruction de la demande d’évaluation de l’efficacité et de l’innocuité pour la santé humaine du procédé Spirofiltration dont le ministère de la santé avait saisi l’AFSSA ; que, dès lors, l’avis émis par cette agence le 4 février 2008 a été rendu dans des conditions irrégulières ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, les décisions attaquées, qui ont été prises par le ministre sur le fondement de cet avis, sont entachées d’illégalité et doivent être annulées ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 15 janvier 2009 :

Considérant que la société requérante soutient, pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus, que la décision du 15 janvier 2009 est entachée d’illégalité, dès lors que l’avis du 1er décembre 2008 de l’AFSSA, sur le fondement duquel elle a été prise, a été élaboré à partir des travaux du comité d’experts spécialisés Eaux, dont l’impartialité n’était pas garantie ; que s’il ressort des pièces du dossier que M. n’a pas pris part aux séances des 9 septembre, 7 octobre et 4 novembre 2008 du comité d’experts spécialisés Eaux, au cours desquelles a été examinée la seconde demande d’autorisation de mise sur le marché du procédé Spirofiltration , tel n’est pas le cas de M. , qui a pris part à chacune de ces séances ; qu’alors même que les fonctions de conseil et de recherche scientifique exercées par l’intéressé pour le compte de la SAGEP n’auraient pas été rémunérées, elles doivent néanmoins être regardées, en vertu du principe d’impartialité rappelé ci-dessus, comme faisant obstacle à ce qu’il prenne part à l’instruction de la demande d’évaluation de l’efficacité et de l’innocuité pour la santé humaine du procédé de traitement des eaux destinées à la consommation humaine dont le ministère de la santé avait saisi l’AFSSA ; que, dès lors, l’avis émis par cette agence le 1er décembre 2008 a été rendu dans des conditions irrégulières ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décision attaquée, qui a été prise par le ministre sur le fondement de cet avis, est entachée d’illégalité et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que la présente décision implique que la demande d’autorisation de mise sur le marché du procédé Spirofiltration , telle qu’elle a été présentée par la SOCIETE AQUATRIUM dans ses courriers des 13 mai et 3 juin 2008, soit réexaminée ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre au ministre du travail, de l’emploi et de la santé de procéder à ce réexamen dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’État une somme de 5 000 euros à verser à la SOCIETE AQUATRIUM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE

Article 1er : La décision du 22 février 2008 du ministre de la santé, de la jeunesse et de sports, la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision et la décision du 15 janvier 2009 du ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au ministre du travail, de l’emploi et de la santé de procéder au réexamen de la demande d’autorisation de mise sur le marché du procédé Spirofiltration dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L’État versera à la SOCIETE AQUATRIUM la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AQUATRIUM, au ministre du travail, de l’emploi et de la santé et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.


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