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Cour de cassation, 07-21.382

- wikisource:fr, 23/11/2009



1ère chambre civile – Chambre de commerce et d’industrie de Sète, Frontignan et Mèze –


Pourvoi n° 07-21.382



Sommaire

Visas


Demandeur : La Chambre de commerce et d’industrie de Sète, Frontignan et Mèze
Défendeurs : La société BNP Paribas, M. A…X… et autres

Motifs

Attendu que, par acte notarié du 16 avril 1987, la chambre de commerce et d’industrie de Sète, Frontignan et Mèze (la CCI) et la banque Dupuy de Parseval ont constitué entre elles la société civile immobilière (SCI) Cap de la Corniche dont l’objet social était l’acquisition d’un terrain à bâtir et la construction d’une résidence hôtelière sur ce terrain ; que, par acte sous seing privé du 21 mars 1988, la CCI et le syndicat général de l’industrie hôtelière ont constitué entre eux la société à responsabilité limitée Cap de la Corniche dont l’objet était l’exploitation commerciale de la résidence hôtelière en vertu d’un bail consenti par la SCI ; que le financement de l’opération immobilière a été assuré par des prêts consentis par cinq établissements bancaires, dont la BNP, devenue BNP Paribas, qui, par acte sous seing privé du 8 novembre 1988, a consenti à la SCI et à la SARL un prêt de deux millions d’écus, convertis en 13 802 000 francs, remboursable en quinze annuités, l’acte prévoyant, d’une part, le cautionnement solidaire de la CCI ainsi qu’une promesse d’hypothèque de premier rang et une promesse de nantissement de premier rang souscrites respectivement par la SCI et par la SARL, et, d’autre part, une stipulation selon laquelle les emprunteurs ne pouvaient, sans l’accord de la banque, “réaliser tout ou partie de leur patrimoine immobilier ou l’apporter à une société ou à toute personne morale” ; que les promesses d’hypothèque et de nantissement ont été consenties par lettres du 24 novembre 1988 ; que, par acte sous seing privé du 16 avril 1992, la CCI et la banque Dupuy de Parseval se sont engagées à céder aux deux dirigeants du groupe Symbiose ou à leurs substitués la totalité des parts de la SCI et de la SARL, à charge pour ceux-ci d’opérer des apports en compte courant ayant pour objet le remboursement du capital restant dû sur le crédit bancaire, avec le cautionnement d’un organisme bancaire au profit de la CCI ; que, par acte authentique reçu, le 28 décembre 1992, par M. X…, notaire associé de la SCP Rey-Klepping, avec la participation de M. A…, notaire associé de la SCP Monlouis-Blanc-Poujol-Audran-Siguié, et de M. Y…, notaire associé de la SCP Bongendre-Breton-Bequier-Toos-Saladini, la CCI et la banque Dupuy de Parseval ont cédé la totalité de leurs parts dans la SCI Cap de la Corniche à une société du groupe Symbiose et aux deux dirigeants du même groupe, lesquels se sont obligés à un apport en compte courant en vue du remboursement anticipé du capital restant dû sur le crédit bancaire, par un versement immédiat et un versement différé du solde au 31 décembre 1993 au plus tard ; que, par un acte authentique du même jour, reçu par le même notaire, la SCI Cap de la Corniche, en ses nouveaux associés, a vendu à la société Prominvest, autre société du groupe Symbiose, divers lots dépendant de la copropriété de la résidence hôtelière Cap de la Corniche pour un prix payable en partie comptant et en partie au plus tard le 31 décembre 1993, ce solde étant garanti par le cautionnement solidaire du Comptoir des entrepreneurs en faveur de la SCI venderesse qui s’obligeait à en déléguer le bénéfice aux cinq organismes bancaires ayant financé le projet immobilier, avec la précision que cette délégation pourra être modifiée au profit de la CCI en cas de transfert des emprunts à cette dernière ; que, invoquant la clause interdisant toute cession sans son accord, la BNP a, le 28 décembre 1993, notifié la déchéance du terme à la SCI Cap de la Corniche qui a été placée en redressement judiciaire le 30 décembre 1993, suivi, le 18 janvier 1994, par celui de la société Prominvest, faute d’avoir payé le solde du prix d’acquisition des lots ; qu’après avoir, le 3 janvier 1994, vainement fait sommation au Comptoir des entrepreneurs de la payer en exécution de son cautionnement, la BNP Paribas a été irrévocablement déboutée de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la délégation au motif que son acceptation de ladite délégation était intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure collective de la SCI ; qu’elle a alors assigné la CCI en paiement du solde du prêt qui lui restait dû, sur le fondement du cautionnement solidaire qu’elle avait souscrit, laquelle Chambre de commerce et d’industrie a appelé les notaires en garantie ;

Sur le second moyen :

Attendu que la CCI reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de son action en responsabilité formée à l’encontre de la BNP, pour manquement de celle-ci à son obligation de loyauté et de bonne foi, alors, selon le moyen, que le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et par des promesses d’hypothèque et de nantissement « à première demande », s’oblige envers la caution à rendre ces sûretés effectives ; qu’à défaut, il manque à son obligation de loyauté envers la caution ; qu’en retenant que la réalisation des promesses d’hypothèque et de nantissement à première demande de la banque, expressément prévues dans l’acte de prêt du 8 novembre 1988 et consenties par courriers de la SCI Cap de la Corniche et de la SARL Cap de la Corniche du 24 novembre 1988, aurait été « laissée au gré de la BNP, laquelle n’avait aucune obligation contractuelle de faire procéder à leur inscription », pour en déduire que la banque n’aurait commis aucune faute à l’égard de la caution en omettant de faire procéder à l’inscription de ces garanties, la cour d’appel aurait violé les articles 11344, 1135 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que, si le créancier, bénéficiaire d’une sûreté provisoire, qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement, s’oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive, tel n’est pas le cas du créancier bénéficiaire d’une promesse d’hypothèque ou de nantissement, dès lors que la constitution de la sûreté est au seul pouvoir du promettant ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que, pour débouter la CCI de sa demande dirigée contre les notaires et tendant à ce qu’ils la garantissent de toutes les condamnations prononcées contre elle en faveur de la BNP, l’arrêt retient qu’il ne peut leur être reproché de s’être abstenus d’appeler l’attention des parties aux actes du 28 décembre 1992 sur la violation de la clause de l’acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l’accord de la BNP, dès lors qu’il n’est pas établi que ces notaires avaient connaissance de cette clause et qu’ils n’avaient pas à rechercher la conformité de l’acte de vente d’immeubles aux actes de prêt ;

Qu’en se déterminant ainsi, quand l’opération à laquelle ils prêtaient leur concours et qui, aboutissant à transférer la charge du remboursement des prêts sur les cessionnaires, créait un lien de dépendance entre les actes successifs, imposait aux notaires d’examiner les actes initiaux de prêt et d’appeler l’attention des parties sur leurs stipulations, dont la stipulation litigieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette l’appel en garantie de la CCI dirigé contre les notaires, l’arrêt rendu le 8 août 2008, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;


Président : M. Bargue
Rapporteur : M. Gallet, conseiller
Avocat général : M. Mellottée, premier avocat général
Avocats : SCP Boré et Salve de Bruneton ; SCP Vincent et Ohl


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